Résumé :
Williams et Shellenberger (1996) ont proposé une pyramide des apprentissages qui montre l’importance de la fonction intégrative du système nerveux central pour le développement des fonctions sensorimotrices, perceptivo-motrices et cognitives. Ce modèle fonctionnel aide mieux à comprendre le lien fondamental entre intégration sensorielle et développement mais il n’est pas très explicatif sur les processus d’intégration pluri sensorielle et sur le développement des fonctions affectives, émotionnelles et psychomotrices. Ainsi, nous tentons au travers de cet article de proposer un modèle appelé pyramide des fonctions d’intégration. L’objectif de ce modèle est de nous aider à mieux comprendre comment l’enfant développe ses capacités d’interaction, d’interactivité et de conscience de soi sur une base d’intégration sensorielle, psycho-affective et psychomotrice.
Mots clés : intégration sensorielle, développement psychomoteur, apprentissage, modèle des fonctions d’intégration
I – Intégration sensorielle et développement de l’intelligence
L’intégration sensorielle est la capacité qu’a le système nerveux central de filtrer et de traiter les informations sensorielles afin de potentialiser les processus impliqués dans le développement et les apprentissages. La théorie de Jane Ayres (2005) va dans ce sens, placer l’intégration sensorielle comme une base capitale au développement des processus d’apprentissages. Dans cette perspective elle déclare : “Society is placing more emphasis on language, academic, and intellectual development, and less on building the sensorimotor foundations for these higher functions.” (Ayres, 2005, p. 141). Ce paradigme introduit une nouvelle compréhension du développement de l’intelligence, celui de considérer le développement des fonctions d’intégration sensorielle et sensorimotrice comme essentiel à la potentialisation des fonctions mentales supérieures.
II – L’intelligence, une construction à base sensorielle, sensorimotrice et psychomotrice
L’intégration sensorielle est un processus universel attaché au développement qui établit un lien fondamental entre sensorialité et intelligence. Certains auteurs soulignent (Gallese et Lakoff, 2005) que les systèmes sensorimoteurs sont inclus dans les processus de la cognition de par l’intermodalité sensorielle qu’entretiennent certaines aires. Les traitements sensorimoteurs et cognitifs sont reliés par des réseaux de neurones communs ou interagissant ce qui parait aussi vrai pour l’influence de l’émotion sur la cognition motrice (Zhu et Thagard, 2002). On considère actuellement que ce que l’on nomme développement de l’intelligence correspond à une potentialisation d’interactions entre différents systèmes neuronaux dynamiques qui regroupent un niveau sensorimoteur, émotionnel et cognitif dont l’objectif est de réguler conjointement le comportement et les apprentissages.
III – La pyramide des apprentissages de Williams et Shellenberger (1996)
Ce modèle issu de la neurologie clinique a été développé aux USA dans les années 90 et rejoint les théories de la régulation des processus sensoriels comme base essentielle au développement de l’intelligence. Dans ce modèle neurodéveloppemental la sensorialité intéroceptive (proprioception musculaire, tactile, vestibulaire) et extéroceptive (vision, audition olfaction, gustation) représente la fondation du développement. L’intégration sensorielle est une nécessité à la maturation des processus sensorimoteur (sécurité posturale, conscience des deux côtés du corps, planification motrice, habileté de discrimination, maturité réflexe, schéma corporel) qui constitueront eux-mêmes une base pour les fonctions perceptivo-motrices (coordination œil-main, contrôle oculomoteur, ajustements posturaux, fonctions d’attention, perception visuospatiale, boucle audio-phonologique) et cognitives (régulation du comportement, fonctions d’autonomie au quotidien, apprentissages scolaires).
IV – Origine et fondement clinique de la pyramide des fonctions d’intégration
Nous exposons ici une nouvelle approche par un modèle appelé « pyramide des fonctions d’intégration » qui a pour objectif d’étendre le modèle fonctionnaliste originel de Williams et Shellenberger (1996) à la réalité affective, émotionnelle et psychomotrice du développement. L’Humain n’est pas une machine même si la cybernétique tente de s’y rapprocher (Tual, 2016), ce qui fait que « l’intelligence artificielle peut simuler les sentiments, mais elle ne peut pas les dupliquer ». « Les organismes artificiels sont sans vie » (Damasio, 2017). Nous Humains sommes dotés d’un système émotionnel et affectif qui apparait à la base de la régulation de nos apprentissages et comportements mais aussi à l’origine de notre intelligence. « Les émotions sont à l’origine de la culture que nous sommes capables de fabriquer… les arts, les sciences et les technologies viennent d’une nécessité de réponse qui vient des émotions » (Damasio, 2017). Cette réalité nous incite à inclure dans notre modèle développemental un lien interactif entre l’intégration pluri-sensorielle associative, l’intégration affective et émotionnelle, et l’intégration psychomotrice au service de l’avènement des fonctions d’interaction et d’interactivité permettant d’ouvrir le champ de la conscience de soi comme processus ultime de la pensée et de la réalisation de l’Humain.
V – Description de la pyramide développementale des fonctions d’intégration (schéma 1)
Le modèle proposé repose sur la conception d’intégration neurologique ou synaptique*, ce qui suppose l’intégrité des structures neurologiques ainsi que de leur fonctionnement. La pyramide compte dix niveaux, et nous allons procéder à une description sommaire de ses différents niveaux, allant de l’intégration sensorielle primaire à l’intégration des fonctions méta-affective/méta-motrice/méta-cognitive, mettant en lumière la complexité et l’interdépendance des processus d’intégration dans le développement de l’individu.
Conclusion et perspectives
L’intégration sensorielle représente le processus de base qui permet aux différentes fonctions du développement de se potentialiser. Le modèle présenté, « pyramide des fonctions d’intégration », montre l’interaction et l’interdépendance des processus d’intégration sensorielle avec les processus affectifs, émotionnels et psychomoteurs. Il ouvre de nouvelles perspectives pour le diagnostic et le traitement des pathologies du développement et des apprentissages, soulignant l’importance de l’évaluation des troubles sensoriels chez l’enfant et la nécessité de soutenir la recherche biomédicale pour une meilleure compréhension et prise en charge des troubles neurodéveloppementaux.
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